Recherche 07
«Firminy, de la ville moderne à la ville durable»
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Jean-Michel Dutreuil, MCF TPCAU et Rachid Kaddour, MCF SHSA
Dans les années 1950, la première génération des grands ensembles marque les paysages de nos villes et bouleverse les manières d’habiter de leurs occupants. Mises en œuvre par le Mouvement Moderne, ces opérations sont motivées par des idées progressistes, notamment celle de l’avènement de l’homme moderne, qui passe par la rupture avec des usages jugés obsolètes du logement. In fine, ces opérations participent du paradigme de la ville moderne.
Un demi-siècle après leur livraison, l’ANRU propose un programme de rénovation, afin de faire face à une double difficulté «diagnostiquée» dans ces ensembles: vieillissement technique et obsolescence des valeurs de confort et d’usage d’une part, problèmes sociétaux de précarité et ségrégations socio-spatiales d’autre part. Un nombre significatif mais non majoritaire des bâtiments des ensembles retenus est démoli et d’autres immeubles sont réhabilités, avec notamment l’objectif de tendre vers une performance thermique, proche de celle fixée pour les logements reconstruits. Derrière ces questionnements, on peut voir ainsi poindre un nouveau paradigme: celui de la ville durable. Ici se pose le problème sur lequel nous entendons faire porter la recherche: des grands ensembles produits par les logiques du paradigme de la ville moderne peuvent-ils être «saisis» par un autre, celui de la ville durable? Comment le faire de manière pragmatique? Cette problématique générale invite à notre sens à explorer au moins deux pistes de questionnements et hypothèses: la première autour de l’habitabilité de ces ensembles en regard des modes de vie contemporains et des enjeux de l’habitat, dont la transition énergétique; la seconde sur la gestion durable de ces grands ensembles (économique, normative et politique).
L’ensemble de ces questionnements trouve un écho particulier dans la notion de patrimoine, que nous utiliserons comme catalyseur des réflexions: elle présente en effet pour nous l’intérêt entre autres d’intégrer le rapport à l’histoire et à la transmission.
Le projet souhaite ancrer, incarner et tester ces questionnements et hypothèses dans un cas précis: celui du quartier de Firminy-Vert à Firminy (Loire, 1957-1961). Cet ensemble présente deux stimulantes spécificités qui le rendent extrême, unique et particulièrement heuristique pour le questionnement ci-dessus. D’une part, Firminy-Vert est emblématique de la ville moderne du fait de la figure de Le Corbusier, ce qui lui vaut une protection au titre du patrimoine; d’autre part il est situé dans une commune qui connaît une décroissance démographique et économique importante, qui rend les difficultés socio-économiques prégnantes.
Etroitement liée aux programmes pédagogiques de l’ENSASE, de l’Université de Saint-Étienne et de la Chaire partenariale Habitat du Futur aux Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau (GAIA), et en plaçant le projet au coeur de la démarche de recherche (en tant que dispositif producteur de connaissances, critique et ouvert à la pluridisciplinarité—l’équipe mêle l’architecture, les SHS et l’ingénierie), notre méthodologie d’une part s’appuiera sur les outils numériques collaboratifs BIM, et d’autre part sur une expérimentation d’implication d’habitants et d’acteurs opérationnels (OPH, SDAP).
Elle comprendra six activités / workpackages: état de l’art, étude historique de Firminy et Firminy-Vert, enquête sociale, politique et économique diagnostics architectural et technique, projets simulation poussés (PRO-EXE),—expérimentation d’un fragment de projet à l’échelle 1 (GAIA).
Le projet est mené en partenariat étroit, y compris financier, avec les acteurs locaux (OPH Firminy) et nationaux (Union sociale pour l’habitat) du mouvement HLM.
La valorisation des produits de la recherche sera conduite de manière classique dans les réseaux scientifiques, et via la mission de diffusion de la culture architecturale qu’assure l’ENSASE dans son territoire et au-delà.